L’Antipathique empathique parasympathique

Ne soyez pas sympathique mais empathique

Comprendre et utiliser l’empathie (2/3)

Baptiste Michel

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Cet article est le 2ème de cette série sur l’empathie. Voici le premier.
(1/3) — Quelle empathie utiliser dans vos relations ?

Empathie ou Sympathie ?

Lorsqu’on parle d’interaction avec autrui, ces deux termes semblent proches mais ils ont des distinctions notoires. Dans la littérature spécialisée, il y a à boire et à manger sur ces notions et les chercheurs ne s’accordent pas toujours sur leurs bonnes définitions. Ces concepts sont pourtant clés à maitriser pour des interactions humaines saines.

Se sentir mal pour quelqu’un n’est pas de l’empathie comme la plupart des gens peuvent penser. L’empathie implique de ressentir et de comprendre les états émotionnels de l’autre sans nécessairement avoir à exprimer de réaction.

L’empathie est une compétence qui s’apprend et qui s’enseigne. Elle peut avoir 4 axes :

  • Chercher la perspective de l’autre et la reconnaitre comme étant leur vérité.
  • Rester sans jugement.
  • Reconnaitre l’émotion de l’autre.
  • Se calibrer à l’émotion de l’autre.

À la différence, la sympathie implique le ressenti d’une motivation orientée vers le bien-être de l’autre. C’est cet investissement de soi qui fait toute la différence et il prend bien souvent des formes similaires : offre d’aide, d’assistance, de soutien, démonstration d’affection…

Si je suis empathique, je réponds à l’état émotionnel de l’autre en renvoyant des sentiments d’un genre similaire. Si je suis sympathique, j’ai une préoccupation première qui est que l’autre se sente mieux. Et c’est là toute la différence : “se mettre en compréhension” ne veut pas dire “se mettre à la place de l’autre” ni ne veut dire “solutionner le problème de l’autre”.

C’est évidement plus complexe mais en ultra-résumé :

  • Empathie = je suis centré sur la compréhension de l’autre.
  • Sympathie = je suis centré sur l’action de libérer l’autre de son mal-être.

Gare aux émotions négatives !

Nous en avons déjà parlé, il existe différentes formes d’empathie. L’empathie sèche & l’empathie mouillée.

Le pire comportement que vous puissiez adopter dans une situation de stress, c’est d’être un réceptacle, une éponge à stroke négatif (Eric Berne). Ça c’est l’empathie mouillée et tout ce que vous n’exprimez pas va s’imprimer en vous.
Nombreuses sont les personnes qui absorbent les émotions négatives des autres en se disant intérieurement qu’ils vont bien, “qu’ils vont gérer”. Sauf que les émotions négatives ne sont pas biodégradables et que leur accumulation est dangereuse pour notre santé mentale. Prendre pour soi la violence du stress que la situation occasionne nous fera imploser tôt ou tard et cette attitude est hautement dommageable !
Burn-out, sentiment d’impuissance, frustration, etc. peuvent être évités si nous sommes bien armés.

Image paradoxale ?

L’empathie sèche permet de se centrer sur l’autre sans se confondre en lui et absorber ses émotions désagréables. Plus facile à dire qu’à faire, certes, mais le meilleur service à rendre à l’autre et à vous-même est de respecter nos singularités. Imaginer ce qui se passe chez l’autre en gardant à l’esprit que son vécu émotionnel n’est pas le nôtre est clé. Comprendre et soutenir l’autre ne veut pas dire de nous mettre à sa place. La place de l’autre est unique en soi et nous ne pouvons de toute manière pas complètement nous projeter.

L’autre a raison différemment de moi.

L’un des secrets du succès est d’accepter, dès le départ, que l’autre peut avoir raison différemment de soi.

Émotions, ressenti, vécu… chacun est différent et notre cerveau se base sur les éléments qui nous entourent pour définir son niveau de réaction.
Ce n’est pas parce que votre vous avez vécu pire ou que vous avez capacité à relativiser que l’autre n’a pas le droit d’être triste.
Nous parlons ici d’éléments subjectifs et tenter de normer les choses ne sert à rien. Se comparer ne sert à rien. Ramener à soi ne sert à rien. On parle ici de l’autre, pas de nous.

Comme c’est d’ailleurs impossible d’avoir l’exacte même expérience émotionnelle que l’autre il faut donc se calibrer en se raccrochant à une expérience similaire ou bien se projeter — le tout sans forcement prendre ses croyances et ses blocages.

À chaque instant, il est clé de ne pas juger car chacun de nous agit en toute logique de son point de vue. L’autre a donc raison différemment de moi.

Rejoindre la position de l’autre

Un bon exercice pour développer son empathie est d’apprendre à considérer le point de vue de l’autre

Prenons l’exemple ci-dessus.
Une de vos collègues, Margaux, se confie à vous : « Je suis vexée par ce que Jean-Pierre (Foucault) a dit. » / Vous répondez :

  • A : « Franchement ce n’était pas méchant. Je le connais ce n’est pas ce qu’il a voulu dire. »
  • B : « Tu es susceptible. / Tu réagis trop vivement. / Prends sur toi. »
  • C : « Je comprends que tu puisses être vexée. »
  • D : La réponse D.

Ici, c’est très simple. Quelle que soit la forme prise, les cas A et B sont centrés sur le fait de répondre ou de solutionner le problème de votre collègue — demande qu’elle n’a d’ailleurs pas explicitement formulée.
En A par exemple, on défend Jean-Pierre en minimisant ce que Margaux a perçu ou vécu.
En B, on ne reconnait pas à Margaux le droit de ressentir comme elle ressent. On implique que sa manière de réagir est inappropriée et on le lui fait savoir.
A et B peuvent être des fléaux qui empêchent l’autre de se sentir compris et considéré pour ce qu’il est, perçoit et ressent.
Même si une intervention de ce type peut permettre de solutionner le sujet, ce n’est pas automatique (comme les antibiotiques). Ce qui est sûr, c’est que dans ces deux cas (A et B) on s’éloigne de la position de Margaux.

À l’inverse, dans le cas C, on rejoint sa position et c’est bien plus vertueux. Attention, rejoindre la position de l’autre ne veut pas dire être d’accord avec lui. En C, je ne dis pas « tu as raison » ni « je suis d’accord » mais seulement « je comprends ton point de vue ».
Même si je ne partage pas le point de vue de l’autre ni son émotion, je reconnais qu’il puisse ressentir différemment de moi. Je n’émets pas ici une norme sur comment doivent se comporter ou réagir les gens face à telle ou telle situation. Je n’émets pas de jugement, je cherche à comprendre.

Pour des rapports humains sains, ce qui compte le plus ce n’est pas la réponse ni l’aide mais la connexion. Je le réécrit de nouveau car c’est primordial: Avant toute chose, le plus important est la connexion à l’autre.
Rejoindre la position et signifier que l’on comprend (sans forcement être d’accord) permet de nous mettre dans la même équipe, avec des sentiments partagés. À la place d’offrir une perspective différente ou une solution au problème, l’objectif est de dire à l’autre que son ressenti est compréhensible. Et c’est ce qui différentie l’empathie de la sympathie.

« Rarement une réponse rend les choses meilleures. Ce qui rend les choses meilleures, c’est la connexion à l’autre. »

Explorer la carte du monde de l’autre

« La carte n’est pas le territoire » disait Alfred Korzybski.

En effet, nous avons chacun nos propres cartes, nos propres perceptions du monde qui ne représentent qu’imparfaitement la réalité.

Explorer la carte de l’autre permet de comprendre sa position mais elle n’est pas le monde. Pas plus que la notre d’ailleurs. Il n’y a qu’une seule réalité et une multitude de points de vue. Nos cartes respectives sont donc seulement des représentations, des projections.

L’empathie est une force humaine extraordinaire et pour l’atteindre il faut écouter activement sans juger et surtout reformuler. La reformulation est une clé importante de l’écoute active et consiste à répéter avec nos propres mots ce que nous avons entendu qui a été dit par notre interlocuteur. L’écoute active permet de faciliter la verbalisation de l’autre en validant par étapes notre compréhension.

Le but ultime est de permettre à l’autre de se sentir compris et de créer cette fameuse connexion si importante.

Pour considérer les choses du point de vue de l’autre, il faut aller au delà de nos paradigmes et écouter en pleine conscience. L’écoute active est le fait de passer son temps à explorer la carte de l’autre plutôt que de dévoiler la sienne.

Ecoute active ne veut pas dire conseiller ni répondre

Faire de l’écoute active ne veut pas dire intervenir ni prendre l’autre par la main.

Un interventionniste sympathique dirait quelque chose comme cela :

« Dès que j’entends un problème, je ne peux m’empêcher de tenter de le solutionner. L’empathie est assez inconfortable pour moi car s’asseoir “en silence” et ne rien faire sont bien inutiles comparé à offrir une solution, une nouvelle perspective ou même faire une diversion. »
Ce à quoi nous devrions ajouter : « Soudain, je me rappelle que ce qui compte le plus n’est pas la réponse ni l’aide mais la connexion avec l’autre… »

Le plus grand problème dans la communication c’est qu’on n’écoute pas pour comprendre. On écoute pour répondre.

L’action empathique est de soutenir quelqu’un et d’apporter un support et cela demande du courage et de la vulnérabilité.
Par exemple, les seules phrases : « Je sens que ça ne va pas et même si je ne sais pas quoi dire pour t’aider, sache que je suis là pour toi et aussi que je te remercie d’avoir partagé cela avec moi. » suffit à démontrer à l’autre qu’on est présent émotionnellement.

« Je vois que tu es frustrée/triste/en colère… » n’a rien à voir avec « Fais ceci ou cela pour aller mieux ».

On n’a pas toujours besoin d’avoir raison. On n’a pas toujours besoin d’être celui qui donne conseil ou qui “save the day”.

Parfois, nos conseils arrivent trop tôt et ne sont pas pertinents. De plus, proposer une aide ne veut pas dire que la situation vécue par l’autre est comprise et qu’une connexion est créée.

Exprimer sa sympathie à quelqu’un qui vit une situation difficile n’est pas toujours utile ni bénéfique; et même si l’intention d’aider est bonne au départ, cela peut avoir l’effet contraire à l’arrivée.
D’ailleurs, si nous apportons de l’aide sans consentement, en plus de rendre l’autre dépendant, nous pouvons installer un triangle dramatique avec un sauveur et une victime et là… bonjour le conflit !

L’empathie n’implique pas forcément un passage à l’action. Néanmoins, la volonté d’aider ne doit pas être occultée et pour que notre aide soit pertinente, elle doit être bien amenée. Mais ça, nous en parlerons dans la 3ème partie…

Sources de la trilogie — “Des nains sur des épaules de géants” : Frans de Waal /Jean Decety / Vittorio Gallese / Vilayanur S. Ramachandran / Jean-Michel Oughourlian / Jacques Hochmann / Maxwell Maltz / Serge Tisseron / Daniel J. Siegel / Jessica Joelle Alexander & Iben Sandahl / Brené Brown / Eric Berne, Stephen Karpman, Taïbi Kahler.

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